Archives de Tag: Paris

Diplomatie

Film réalisé par Volker Schlöndorff, 2014

Avec André Dussollier, Niels Arestrup, Burghart KlauBner, Robert Stadlober, Charlie Nelson, Jean-Marc Roulot, Stefan Wilkening, Thomas Arnold …

Ce film, on le sait, est une adaptation de la pièce de théâtre du même nom écrite par Cyril Gély et interprétée avec beaucoup de succès par André Dussollier et Niels Arestrup pendant un an et demi, au théâtre de la Madeleine puis aux théâtres de l’Agora et des Célestins (mise en scène de Stéphan Meldegg).

Diplomatie relate cette fameuse nuit du 24 au 25 août 1944 durant laquelle le pire a été évité : la destruction de Paris et de ses plus beaux monuments (l’Opéra, mais aussi le Louvre, l’Arc de Triomphe, la Tour Eiffel etc.) avec les conséquences humaines épouvantables que l’on peut imaginer. Et cela sur les ordres d’Adolf Hitler rendu fou par la défaite qui s’annonce certaine, par la vision d’un Berlin détruit, exsangue alors que Paris est encore splendide malgré la guerre et les bombardements. C’est le Général Von Choltitz qui est chargé de cette terrible besogne.

Le générique est déjà intéressant en soi : les noms des acteurs se chevauchent puis défusionnent lentement. Chacun prend une direction différente.

Et puis nous comprenons rapidement qu’il s’agit d’un film où le théâtre a une place centrale, un film théâtral pourrait-on dire. Le Général Von Choltitz (interprété par l’excellent Niels Arestrup), nommé quinze jours auparavant Gouverneur du Grand Paris, est seul dans son bureau de l’hôtel Meurice lorsque surgit de manière très théâtrale le consul suédois Raoul Nordling (André Dussollier) : il est arrivé par un escalier dérobé que Napoléon III utilisait pour rendre visite à sa maîtresse. Cette entrée secrète n’existe pas réellement mais le réalisateur, au fait historique véridique, y a ajouté quelques faits issus de son imagination.

Le consul est chargé de lui remettre une lettre du Général Leclerc lui proposant un ultimatum, lettre que le Général Von Choltitz déchire sur le champ sans y jeter un coup d’œil.

Et puis nous assistons à une joute verbale d’une finesse incroyable entre ces deux personnages rivalisant d’intelligence. Le consul, fin tacticien et brillant stratège, dans un contrôle total évoquant le flegme britannique, met tout en œuvre pour éviter le drame qui semble pourtant inévitable. Il est amoureux de Paris et s’inquiète pour les dizaines voire les centaines de milliers de victimes civils potentiels. Le général, plus impulsif, plus violent, plus angoissé aussi, se décrit comme un militaire exécutant les ordres d’un Hitler dont le seul but est de se venger d’une humiliation qu’il ne supporte pas. Des deux, on ne sait qui manipule l’autre, qui ment, qui dit la vérité. On ne sait quel lien les unit réellement. L’on devine un lien presque amical, respectueux.

Les personnages plus secondaires sont tout aussi importants et nous permettent de nous souvenir que les soldats, à la fin de la guerre, étaient des adolescents de 18 ans, que des parisiens ont été de véritables héros (malheureusement un peu oubliés de nos jours), que les collaborateurs n’avaient pas forcément bonne conscience. Et surtout que la vie ne tenait parfois qu’à un fil, un mot, un regard…

Ce film, presque un huis clos, nous offre aussi quelques belles vues de Paris prises des fenêtres du bureau du Général, l’hôtel Meurice se trouvant rue de Rivoli. Et aussi des images d’archives (Varsovie en ruine) à garder en mémoire pour toujours, pour que jamais cette horreur ne puisse se reproduire un jour.

Les deux acteurs principaux jouent juste et l’on devine, en filigrane, l’immense travail accompli en amont.

Film à voir absolument, pour le côté historique mais aussi pour le côté psychologique des personnages.

 Bande annonce Diplomatie, 2014

Sophie Becker, 9 mars 2014

Voici deux photos de la façade de l’Ecole des Mines de Paris (60 Boulevard Saint-Michel), dont les murs sont encore criblés par les bombardements du 25 août 1944 (et également par des bombardements en 1918):

Ecole des Mines, Paris, 2 mars 2014 - photo Sophie Becker

Ecole des Mines, Paris, 2 mars 2014 – photo Sophie Becker

 

Ecole des Mines, Paris, 2 mars 2014 - photo Sophie Becker

Ecole des Mines, Paris, 2 mars 2014 – photo Sophie Becker

 

1 commentaire

Classé dans Cinéma

Point de vue n°4

Alain Resnais - Photo premiere.fr

Alain Resnais – Photo premiere.fr

Alain Resnais vient de nous quitter. Sa filmographie est impressionnante et son humanisme m’a toujours beaucoup touchée. J’ai adoré ses derniers films. Mais jamais je n’oublierai Nuit et Brouillard (1956), documentaire précieux sur ce que l’homme a pu faire de pire durant la deuxième guerre mondiale. Alain Resnais et Claude Lanzmann ont été (du moins pour moi) les deux cinéastes qui ont le plus marqué l’esprit des français dans le difficile traitement du sujet des camps de concentration et d’extermination. Il y a aussi tous les écrivains bien sûr. J’ai pensé au réalisateur qui vient de nous quitter à près de 92 ans en passant devant l’école des Mines tout à l’heure, 60 Boulevard Saint-Michel à Paris. Sur la façade de cette prestigieuse école, des cicatrices sur le mur. Celles de deux bombardements : le 20 janvier 1918 et le 25 août 1944, le dernier lors des combats pour la libération de Paris. Fait important : sous la plaque commémorative apposée par la mairie de Paris expliquant ces deux évènements majeurs, se trouve une plaque plus petite sur laquelle est écrite : Jean Montvallier –Boulogne, mort pour la France à 24 ans le 25 août 1944. Car dans la grande Histoire, il y a toujours des histoires singulières et cela, il ne faut jamais l’oublier.

Merci Monsieur Resnais.

Nuit et Brouillard, partie 1, vidéo, 1956

Ecole des Mines, Paris, 2 mars 2014 - photo Sophie Becker

Ecole des Mines, Paris, 2 mars 2014 – photo Sophie Becker

Ecole des Mines, Paris, 2 mars 2014 - photo Sophie Becker

Ecole des Mines, Paris, 2 mars 2014 – photo Sophie Becker

Ecole des Mines, Paris, 2 mars 2014 - photo Sophie Becker

Ecole des Mines, Paris, 2 mars 2014 – photo Sophie Becker

Sophie Becker, 2 mars 2014

Poster un commentaire

Classé dans Point de vue

Le 5ème arrondissement de Paris

Dans le 5ème arrondissement de Paris, 2 mars 2014 - photo Sophie Becker

Dans le 5ème arrondissement de Paris, 2 mars 2014 - photo Sophie Becker

Jardin des Grands Explorateurs, 2 mars 2014 - photo Sophie Becker

Oui, ce sont bien des sacs poubelle qui « décorent » les marronniers du Jardin des Grands Explorateurs …

Sophie Becker, 2 mars 2014

 

Poster un commentaire

Classé dans Photos

Tabac rouge

 

Mise en scène, scénographie et chorégraphie : James Thiérrée

Avec : James Thiérrée, Anna Calsina Forrellad, Noémie Ettlin, Namkyung Kim, Matina Kokolaki, Valérie Doucet ou Katell Brenn, Piergiorgio Milano, Thi Mai Nguyen, Ioula Plotnikova, Manuel Rodriguez

Costumes : Victoria Thiérrée

Combustions soniques : Matthieu Chédid

Equipe complète : site du Théâtre de la Ville

Théâtre de la Ville, 2 Place du Châtelet, Paris 4

Jusqu’au 1er mars 2014

theatredelaville-paris.com

theatredelaville-paris.com

Ce quatrième spectacle de la Compagnie du Hanneton créée et dirigée par James Thiérrée est beaucoup plus sombre que les trois premiers mais absolument fascinant.

Pour qui ne connaît pas James Thiérrée : quarante ans cette année, il est le fils de Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thiérrée, tous deux artistes complets et créateurs du Cirque Bonjour. Leur dernier spectacle, Le Cirque Invisible est une merveille de poésie et de drôlerie magnifiée par les costumes chatoyants conçus par Victoria Chaplin. James Thiérrée est par conséquent issu d’une grande famille d’artistes dont le plus célèbre est certainement Charlie Chaplin, son grand-père, qu’il a très peu connu puisqu’il est mort trois ans après sa naissance. Comédien formé dans les plus prestigieuses écoles de théâtre, danseur, mime, acrobate, violoniste, magicien, il a formé sa compagnie en 1998. Le premier spectacle s’intitulait La Symphonie du hanneton. Puis ont été créés La Vallée des abysses (2003), Au revoir parapluie (2007) et Tabac Rouge ( 2012) qui se joue en ce moment (reprise).  James Thiérrée a également participé à de nombreux films et il s’est montré remarquable dans le très beau Liberté (2009) de Tony Gatlif, film qui traite d’un sujet peu abordé au cinéma, celui du devenir des tsiganes en France pendant la seconde guerre mondiale.

Tabac rouge est un spectacle inracontable. D’ailleurs, voici ce que James Thiérrée dit de sa création dans une interview décalée se trouvant dans le programme remis par le Théâtre de la Ville :

Qui êtes-vous monsieur ?   Pardon ?… Oui, parfois je me souviens de lui, c’est-à-dire des autres, moi. Mais sans importance à présent.

De quoi parle le spectacle ?  A l’époque nous cherchions beaucoup l’air, et souvent, je touchais le fond. Il s’agit de persévérer, quoi qu’il en coûte.

L’on comprend qu’il s’agit de l’histoire d’un roi (interprété par James Thiérrée) un peu tyrannique, un peu fou, commandant un peuple qui le commande également et chacun cherche un sens à cette vie-là.

Dans quel but (commander) ? Me sauver du néant, et si possible définir un objectif.

Ce qui frappe le spectateur entrant dans le théâtre est le décor. Pour être exacte, il y a d’abord cette fumée qui envahit le plateau et une partie des gradins, et qui interpelle. Ensuite, ce décor gris dont l’essentiel consiste en une construction métallique gigantesque: d’un côté, une sorte d’échafaudage pouvant être escaladé et de l’autre un énorme miroir fait de plusieurs parties et mobile sur différents axes, reflétant tantôt les danseurs, tantôt le public, tantôt la lumière aveuglante d’un projecteur. Il y a également ces objets sur roulettes : un fauteuil à la couverture rouge sur lequel repose le roi-tyran qui est aussi un grand fumeur (et l’on comprend alors le titre du spectacle), un énorme bureau enseveli sous des objets hétéroclites, une femme-machine à coudre etc.

A l’arrivée des danseurs sur le plateau, l’on ne sait plus très bien si sur scène se trouve un objet ou un sujet, un roi ou un quidam, un personnage ou son reflet … Les mouvements du miroir associés aux mouvements des danseurs donnent l’impression d’un récit pouvant s’écrire sur une bande de Möbius, partant d’une face pour arriver à l’autre sans qu’il y ait césure. Et que cette situation est insupportable pour les protagonistes qui courent dans tous les sens tels des insectes, rampent, se disloquent, essaient de franchir ce mur-miroir-échafaudage tout en se retrouvant toujours du même côté.

L’équipe de danseurs-comédiens-acrobates est exceptionnelle et les jeux de corps font rire mais peuvent aussi angoisser. La réaction des enfants dans le public est d’ailleurs intéressante. On voit une tête disparaître chez une danseuse particulièrement souple, un dos se ployer complètement, des jambes rapetisser etc.

Il y a également beaucoup de morcellement, notamment au moment d’une des scènes finales où le miroir est démantelé et où chacun semble avoir perdu ses repères et souffrir de morcellement par mimétisme.

C’est un spectacle magnifique mais très complexe (un peu foutraque pourrait-on dire), aux interprétations multiples. Il semblerait que James Thiérrée questionne ici le sens de la vie et de la mort. D’ailleurs dans le petit programme où figure l’ « interview du personnage », James Thiérrée répond ainsi à la question : Comment allez-vous ?  Malheureusement tout fout l’camp, je n’en ai plus pour longtemps .

N’oublions pas enfin l’importance de la musique et des bruitages pour lesquels ont participé Matthieu Chédid et Thomas Delot.

Sophie Becker, 23 février 2014

Poster un commentaire

Classé dans Théâtre

Concert de Boris Berezovsky et Henri Demarquette – théâtre des Champs-Elysées

Le 9 décembre 2013

Programme : Sonate n°2 op.58 de Felix Mendelssohn, Sonate op.65 de Benjamin Britten, Vocalise de Sergueï Rachmaninov, Sonate op.36 d’Edvard Grieg.

lanouvellerepublique.fr

lanouvellerepublique.fr

Boris Berezovsky et Henri Demarquette ont un point commun, celui d’être tous deux de grands musiciens mondialement reconnus, multi primés et se produisant sur les plus grandes scènes. Le pianiste moscovite est réputé pour sa virtuosité, son jeu fin et léger contrastant avec un physique tout en puissance. Il est féru des compositeurs russes tels Rachmaninov ou  Tchaïkovsky mais aussi de Liszt (son interprétation de la Totentanz est remarquable) et Chopin sans négliger la musique d’aujourd’hui dont le jazz. Le violoncelliste français aborde de manière plus franche la musique contemporaine et travaille régulièrement avec les compositeurs actuels comme Eric Tanguy.

photo Sophie Becker

photo Sophie Becker

Il est évident qu’entre ces deux musiciens très complices, « le courant artistique » est passé. Il y a complémentarité entre eux, entre le souffle que Demarquette réussi à faire passer par les cordes de son violoncelle (un instrument de 1697 fabriqué par le luthier Goffredo Cappa et un archet de Persois de 1820) et la retenue des doigts de Berezovsky sur le clavier de son Steinway.

Le théâtre des Champs-Elysées fête cette année le centenaire de sa « naissance » et c’est dans un monument conçu par les architectes Henry Van de Velde et Auguste Perret, décoré par le peintre et sculpteur Antoine Bourdelle, le peintre Maurice Denis et le cristallier René Lalique que nous avons pu assister à un très beau concert.

Le programme était international et éclectique. Tout d’abord la sonate pour violoncelle et piano n°2 opus 58 de l’allemand Felix Mendelssohn, composée en 1842-1843 (allegro assai vivace, allegretto scherzando, adagio et finale) et interprétée avec passion, invitant à une rêverie romantique. Puis la sonate opus 65 de l’anglais Benjamin Britten, écrite en 1961 et dédiée à Mstislav Rostropovitch, sonate exigeante, d’une complexité technique impressionnante mais pendant laquelle les deux musiciens ont semblé beaucoup s’amuser. Ensuite la magnifique

théâtre des Champs-Elysées - Photo Sophie Becker

théâtre des Champs-Elysées -Photo Sophie Becker

Vocalise de Sergueï Rachmaninov, composée en 1912 et révisée en 1915 lors d’un moment de grande souffrance psychique chez le compositeur russe sujet aux dépressions et surtout à une angoisse de mort parfois insoutenable. Cette Vocalise a été interprétée avec beaucoup de retenue et de finesse, occasionnant chez le public une émotion palpable. Et enfin la sonate opus 36 du norvégien Edvard Grieg, célèbre pour avoir collaboré avec Henrik Ibsen dans la mise en musique de sa pièce de théâtre Peer Gynt en 1876 (reprise récemment et de manière remarquable à la Comédie Française).

Evidemment, le public en a redemandé et c’est avec une grande générosité que les deux musiciens nous ont offert en bis La Méditation de Thaïs (Massenet), une pièce de Rachmaninov et une autre pièce que je n’ai malheureusement pas pu identifier.

Et n’oublions pas la tourneuse de pages qui n’a pas un rôle facile et qui s’est montrée à la hauteur de sa tâche. Un pianiste qui n’a pas confiance en son (sa) tourneur(euse) de page joue nécessairement moins bien, ce qui ne fut pas le cas ce soir-là.

Après le concert- Photo Sophie Becker

Après le concert- Photo Sophie Becker

En espérant que Boris Berezovsky et Henri Demarquette réitèreront au plus vite cette expérience musicale.

Sophie Becker, le 10 décembre 2013

Poster un commentaire

Classé dans Musique