Archives de Tag: Matthieu Chédid

Tabac rouge

 

Mise en scène, scénographie et chorégraphie : James Thiérrée

Avec : James Thiérrée, Anna Calsina Forrellad, Noémie Ettlin, Namkyung Kim, Matina Kokolaki, Valérie Doucet ou Katell Brenn, Piergiorgio Milano, Thi Mai Nguyen, Ioula Plotnikova, Manuel Rodriguez

Costumes : Victoria Thiérrée

Combustions soniques : Matthieu Chédid

Equipe complète : site du Théâtre de la Ville

Théâtre de la Ville, 2 Place du Châtelet, Paris 4

Jusqu’au 1er mars 2014

theatredelaville-paris.com

theatredelaville-paris.com

Ce quatrième spectacle de la Compagnie du Hanneton créée et dirigée par James Thiérrée est beaucoup plus sombre que les trois premiers mais absolument fascinant.

Pour qui ne connaît pas James Thiérrée : quarante ans cette année, il est le fils de Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thiérrée, tous deux artistes complets et créateurs du Cirque Bonjour. Leur dernier spectacle, Le Cirque Invisible est une merveille de poésie et de drôlerie magnifiée par les costumes chatoyants conçus par Victoria Chaplin. James Thiérrée est par conséquent issu d’une grande famille d’artistes dont le plus célèbre est certainement Charlie Chaplin, son grand-père, qu’il a très peu connu puisqu’il est mort trois ans après sa naissance. Comédien formé dans les plus prestigieuses écoles de théâtre, danseur, mime, acrobate, violoniste, magicien, il a formé sa compagnie en 1998. Le premier spectacle s’intitulait La Symphonie du hanneton. Puis ont été créés La Vallée des abysses (2003), Au revoir parapluie (2007) et Tabac Rouge ( 2012) qui se joue en ce moment (reprise).  James Thiérrée a également participé à de nombreux films et il s’est montré remarquable dans le très beau Liberté (2009) de Tony Gatlif, film qui traite d’un sujet peu abordé au cinéma, celui du devenir des tsiganes en France pendant la seconde guerre mondiale.

Tabac rouge est un spectacle inracontable. D’ailleurs, voici ce que James Thiérrée dit de sa création dans une interview décalée se trouvant dans le programme remis par le Théâtre de la Ville :

Qui êtes-vous monsieur ?   Pardon ?… Oui, parfois je me souviens de lui, c’est-à-dire des autres, moi. Mais sans importance à présent.

De quoi parle le spectacle ?  A l’époque nous cherchions beaucoup l’air, et souvent, je touchais le fond. Il s’agit de persévérer, quoi qu’il en coûte.

L’on comprend qu’il s’agit de l’histoire d’un roi (interprété par James Thiérrée) un peu tyrannique, un peu fou, commandant un peuple qui le commande également et chacun cherche un sens à cette vie-là.

Dans quel but (commander) ? Me sauver du néant, et si possible définir un objectif.

Ce qui frappe le spectateur entrant dans le théâtre est le décor. Pour être exacte, il y a d’abord cette fumée qui envahit le plateau et une partie des gradins, et qui interpelle. Ensuite, ce décor gris dont l’essentiel consiste en une construction métallique gigantesque: d’un côté, une sorte d’échafaudage pouvant être escaladé et de l’autre un énorme miroir fait de plusieurs parties et mobile sur différents axes, reflétant tantôt les danseurs, tantôt le public, tantôt la lumière aveuglante d’un projecteur. Il y a également ces objets sur roulettes : un fauteuil à la couverture rouge sur lequel repose le roi-tyran qui est aussi un grand fumeur (et l’on comprend alors le titre du spectacle), un énorme bureau enseveli sous des objets hétéroclites, une femme-machine à coudre etc.

A l’arrivée des danseurs sur le plateau, l’on ne sait plus très bien si sur scène se trouve un objet ou un sujet, un roi ou un quidam, un personnage ou son reflet … Les mouvements du miroir associés aux mouvements des danseurs donnent l’impression d’un récit pouvant s’écrire sur une bande de Möbius, partant d’une face pour arriver à l’autre sans qu’il y ait césure. Et que cette situation est insupportable pour les protagonistes qui courent dans tous les sens tels des insectes, rampent, se disloquent, essaient de franchir ce mur-miroir-échafaudage tout en se retrouvant toujours du même côté.

L’équipe de danseurs-comédiens-acrobates est exceptionnelle et les jeux de corps font rire mais peuvent aussi angoisser. La réaction des enfants dans le public est d’ailleurs intéressante. On voit une tête disparaître chez une danseuse particulièrement souple, un dos se ployer complètement, des jambes rapetisser etc.

Il y a également beaucoup de morcellement, notamment au moment d’une des scènes finales où le miroir est démantelé et où chacun semble avoir perdu ses repères et souffrir de morcellement par mimétisme.

C’est un spectacle magnifique mais très complexe (un peu foutraque pourrait-on dire), aux interprétations multiples. Il semblerait que James Thiérrée questionne ici le sens de la vie et de la mort. D’ailleurs dans le petit programme où figure l’ « interview du personnage », James Thiérrée répond ainsi à la question : Comment allez-vous ?  Malheureusement tout fout l’camp, je n’en ai plus pour longtemps .

N’oublions pas enfin l’importance de la musique et des bruitages pour lesquels ont participé Matthieu Chédid et Thomas Delot.

Sophie Becker, 23 février 2014

Poster un commentaire

Classé dans Théâtre